(Aislinn) un air de déjà vu

Pour la première fois depuis longtemps, Aislinn n'éprouvait qu'un seul désir : celui de se perdre. Il y avait plusieurs définitions qui se rapportaient à ce simple mot : se perdre quelque part, se perdre soi-même, se perdre dans les bras d'un homme, de l'alcool ou tout autre substance dont elle n'était pas la meilleure ambassadrice. Oublier tout naturellement. Ce n'était sans doute pas la fin du monde, peut-être juste la fin du sien ou un déséquilibre si grand qu'elle se sentait redevenir une petite fille fragilie, refusant à tout prix de passer sur un pont suspendu et branquebalant, de peur de tomber net dans le vide qui s'étalait sous ses pieds. Elle avait fini par jeter sa boisson préférée, qu'elle venait tout juste d'acheter, à la poubelle, trouvant que le goût y était amer et la révulsant plutôt qu'autre chose. Point exceptionnel et remarquable, elle s'était totalement coupée de la e-technologie en fermant son téléphone portable et son bipper pour avoir un peu plus de tranquillité et surtout ne pas pouvoir être joignable de la part de quiconque. La dernière fois qu'elle avait fait ça, elle était alors adolescente, elle suivait ses parents dans un reportage au Soudan, autant dire qu'elle était tombée dans un coin tellement paumé qu'elle n'avait pas de réseau, du coup cela ne lui servait à rien de le laisser allumer pour espérer un quelconque appel de l'autre bout du monde.

D'ailleurs c'était bien ses parents qui étaient au cœur du problème. Apprendre que son couple modèle, que sa famille allait se diviser à travers les réseaux sociaux, elle n'avait pas su le supporter. Dans le fond, de vive voix elle n'aurait pas plus accepté la vérité, mais au moins la pillule serait-elle plus simple à digérer si elle n'était pas tombée dessus en plein boulot. Le dernier numéro qu'elle avait tapé sur son écran tactile était celui de James McDonnell, ou aussi appelé le toutou sûpreme de Kent Westwood. Autant dire que pour le coup, ce n'était pas un appel pour avoir une énième tentative de rencontrer le grand magnat mais plutôt un désir plus personnel de retrouver le beau brun duquelle elle était devenue un peu plus intime ses derniers temps. Biensûr, le prétexte de cette nouvelle rencontre avait totalement été professionnelle mais elle se doutait parfaitement que même James n'y croyait pas puisqu'elle lui avait donné rendez-vous autour de Mystic River, lieu réputé pour les joggings du dimanche matin, les piques niques familiaux du week-end et les ballades main dans la main et yeux dans les yeux, d'amoureux transits qui transpiraient le bonheur. Rien qu'à cette idée-là, elle ne pût s'empêcher de faire une grimace.

Portant son regard sur sa montre, elle fut légèrement contrariée de voir qu'elle avait plusieurs minutes de retard à son rendez-vous et qu'elle devait faire poireauter James depuis un peu de temps. Alors qu'elle s'était engagée sur les rives, elle s'étaient mise à accélérer le pas, son regard balayant les allentours pour essayer de retrouver le jeune homme en question. C'est à ce moment-là qu'Aislinn aperçut un lointain geste de la main et elle se dépêcha de retrouver son correspondant. Elle le vit se lever et son petit commentaire lui arracha un sourire. « Non mais vraiment, j'ai bien cru que monsieur Westwood était là, sauf que bizarrement tu n'as pas du tout la même tête que lui par rapport au dernier numéro de Forbes. Dommage, je m'y ferais. » Elle se laissa embrasser sur la joue avant de glisser de l'autre côté de celle de James, posant sa main dans le creux de sa nuque et déposant un baiser presque aérien sur sa peau. « Merci de t'être déplacé encore une fois, je vais finir par te dégouter du journalisme. »